Le milieu social modifie le cerveau de l’enfant

Deux articles parus en 2019 dans les revues Nature et Reports et Plos One mettaient en relation le statut socio-économique de la famille, notamment la situation de pauvreté, et le fonctionnement cérébral de l’enfant. Les résultats de ces équipes avaient été présentés sur GYNGER*.

Dans le premier article, publié par Nature, intitulé “Socioeconomic disparity in prefrontal development during early childhood“ , les chercheurs, japonais, s’intéressent à l’activité du cortex préfrontal chez les jeunes enfants au cours de tests requérant une bonne flexibilité mentale.

Milieu social et fonctions exécutives

Les auteurs le posent en introduction : plusieurs études récentes ont montré que le statut socio-économique a un impact sur le développement cognitif, social mais aussi neuronal des enfants. Les jeunes des milieux les moins aisés manifestent des performances plus faibles pour les tâches relevant des fonctions exécutives (inhibition, planification, attention, flexibilité, mémoire de travail, soit ce qui permet à un individu de s’adapter à une situation nouvelle, de résoudre un problème). Une faible maîtrise de ces fonctions pendant la petite enfance est un facteur de risque pour les performances académiques et les compétences sociales ultérieures.

Peu d’études sur l’impact du statut social sur le fonctionnement cérébral des enfants très jeunes

Quelles sont les questions soulevées par cet article ? Les auteurs rappellent ce qui est aujourd’hui prouvé : la pauvreté a un impact sur le développement cognitif, notamment pour des raisons environnementales. Une parentalité de moins bonne qualité, moins de stimulation, le stress, expliquent notamment cet impact. Mais il semblerait également que la pauvreté ait un effet direct sur le cerveau. Chez les adultes, le cortex préfrontal est différent selon que l’individu ait fait l’expérience ou pas de mauvaises conditions de vie pendant l’enfance (l’influence de la génétique n’est ici pas explorée). Des études montrent également des schémas d’activation de la zone préfrontale non similaires selon l’origine sociale des enfants de plus de 5 ans. Mais qu’en est-il chez les enfants plus jeunes ? Il existe peu d’études analysant l’activité préfrontale des tout petits selon leur milieu familial.

Les auteurs ont donc mené une expérience avec 93 enfants japonais âgés de 3,5 ans à 6,5 ans (âge moyen : 5 ans) qu’ils ont soumis à une tâche faisant appel à la flexibilité mentale (ils ont opté pour cette fonction exécutive spécifique pour des raisons précises détaillées dans l’article). L’objectif était de savoir si les résultats des enfants seraient corrélés à leur statut économique et social (SES), si l’activation de la zone préfrontale serait elle aussi dépendante du SES et si les modalités éducatives des parents entraient en ligne de compte. Leur hypothèse : les enfants des catégories les plus populaires présentent une activation plus faible de la zone préfrontale. Et l’impact du SES est plus fort pour cette donnée neuronale que pour les résultats aux tests strictement comportementaux. Les chercheurs pensent en effet que l’activation préfrontale est plus sensible au SES que le comportement.

L’effet dormant de la pauvreté

Les chercheurs ont confirmé une grande partie de leurs hypothèses. Au niveau de la réalisation des tâches demandées, peu de différences sont apparues entre les enfants des différents milieux socio-économiques. Pour les auteurs c’est notamment dû au fait que les tâches relevant de la flexibilité mentale sont moins corrélées au SES que d’autres fonctions exécutives. En revanche, l’activité préfrontale des enfants des catégories sociales les plus basses est apparue beaucoup moins significative que celle des autres enfants. Les auteurs insistent : il existe un gradient concernant les effets du SES sur la santé et le développement du cerveau mais l’effet est vraiment beaucoup plus marqué pour les catégories les plus pauvres. Quant à l’effet de la parentalité, il n’est pas prouvé ici. Les parents les plus pauvres ont tendance à être à la fois moins chaleureux et moins cadrants mais cette donnée n’affecte pas les résultats. En conclusion, l’impact de la défaveur sociale peut ne pas se manifester en terme comportemental. L’enfant effectue bien les taches qui lui sont demandées. Néanmoins, le fonctionnement cérébral, lui, est atteint, et les effets de la pauvreté, dormants, risquent de se manifester plus tard, notamment à l’école. Les auteurs formulent donc cette préconisation : mesurer l’impact des programmes de prévention précoce non pas avec des tests comportementaux mais avec une mesure de l’activité neuronale.

Vous pouvez découvrir la suite de cet article sur GYNGER*, où il a été initialement publié.

*Site d’information crée et animé pendant 4 ans par Gaëlle Guernalec Levy, co-fondatrice de PAPOTO

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