19 Juin Aux origines de la violence des garçons
Les hommes sont sur représentés dans la criminalité et parmi les populations adultes présentant des troubles du comportement et des tendances asociales. En mars 2019 la revue Infant Medical Heath Journal s’interrogeait sur cette violence masculine en partant du principe qu’il faut aller chercher ses racines dans la toute petite enfance. C’est une approche globale qui était proposée, prenant en compte la piste biologique, psychologique et sociale. Les travaux présentés dans ce numéro étaient résumés dans un article d’introduction. Voici la synthèse en française de cet article, telle qu’elle a été initialement proposée sur GYNGER* :
Cet article signé par Paul Golding et Hiram E.Fitzgerald résume le numéro spécial de la revue Infant Medical Health Journal sorti en janvier dernier et consacré une fois de plus à la question des garçons. Il souligne que les textes présentés dans cette édition creusent deux axes de recherche : 1) le fait qu’une part significative des violences naissent dans l’environnement prénatal et dans les périodes de développement de la petite enfance, comme c’est le cas de l’échec scolaire ou des psychopathologies. Les données psychologiques et biologique uniques à chaque enfant et les systèmes de soins dont il bénéficie sont profondément intriqués, systèmes de soins eux-mêmes totalement corrélés à un réseau culturel et social. Ce sont les interactions entre ces différents éléments, micro et macro, qui contribuent à dessiner le développement de la personnalité, d’une façon soutenante et saine ou bien dans une direction négative et délétère. 2) le fait que les comportements problématiques sont très genrés, avec une prédominance des hommes, en lien avec un développement neurobiologique spécifique, qui se révèle encore plus déterminant quand les enfants sont élevés dans des conditions qui compromettent les soins et l’éducation qui leur sont donnés. Les auteurs relèvent que la plupart des crimes violents sont commis par des hommes. Aux Etats-Unis (c’est vrai chez nous aussi), les garçons sont plus susceptibles d’être punis pour des problèmes de conduite. A l’adolescence les taux d’arrestation pour crime violent sont quatre fois supérieurs chez les garçons par rapport aux filles, idem à l’âge adulte. Ce numéro spécial de IMHJ pose la question de la raison de cette prédominance des hommes, du point de vue de la santé mentale mais aussi dans une perspective d’écologie sociale.
« L’état actuel des connaissances ne permet pas de prédire qui va devenir violent au niveau individuel, prévient la revue, mais la science est en mesure de démontrer de manière probabiliste qu’il existe des susceptibilités individuelles spécifiques parmi lesquelles: les abus précoces, les négligences et autres « écologies relationnelles » immédiates et malsaines dans lesquelles certains garçons sont élevés, mais aussi des facteurs sociétaux plus larges qui peuvent affecter la stabilité et la santé de l’environnement familial le plus proche.»
Mais pourquoi les garçons seraient-ils plus fragiles ? La piste biologique
Parmi le noyau dur de population violente, il semble que les garçons font plus souvent l’expérience de cet effet épigénétique qui conjugue une vulnérabilité biologique avec des conditions environnementales précoces difficiles. Il existe des pistes d’explication biologiques : une plus faible fréquence cardiaque (fortement associée à davantage de comportements antisociaux, or les femmes sont moins nombreuses à avoir une faible fréquence cardiaque), des gènes spécifiques plus déterminants chez les hommes, l’exposition prénatale à la testostérone. Concernant la dimension génétique : un allèle spécifique (MAOA-L), associé à une plus faible expression de la protéine, et à une plus grande susceptibilité à la violence, est associé à des comportements anti-sociaux lorsqu’il est combiné avec des conditions environnementales délétères (abus ou négligences dans la petite enfance). Le gène MAOA est présent chez les femmes également mais les hommes semblent plus sensibles à la présence de l’allèle L. Peut-être parce que ce gène est situé sur le chromosome X et qu’il existe donc en deux exemplaires chez les femmes. Cette double présence pourrait neutraliser les effets de l’allèle MAOA-L. La littérature considère depuis longtemps que les garçons sont plus fragiles dans la période de développement prénatale et périnatale. L’article cite Fizgerald (1977) : « Les petites filles sont des organismes plus forts. En général…elles sont moins sujettes aux maladies, moins susceptibles de mourir, moins irritables, moins agressives, plus en avance sur le plan socio-émotionnel et verbal. »
Selon l’OMS les garçons mettent plus de temps à atteindre les jalons de développement physiologiques (deux ans de décalage) et ils sont donc vulnérables sur une plus longue période aux éléments de stress de l’environnement social. Il se peut donc qu’ils aient plus de difficulté à s’auto-réguler lorsqu’ils ne sont pas accompagnés par un adulte suffisamment sensible. Conclusion de Schore en 2017 : « La maturation plus lente expose le cerveau mâle en développement à des niveaux de testostérone et de corticostéroïdes altérés et stressants durant une période critique du développement du cerveau droit. Des traumas liés à l’attachement comme des abus ou négligences interfèrent avec, ou empêchent, une régulation interactive optimale du stress. Parce qu’ils surviennent lors d’une période critique pour le développement de l’hémisphère droit, ces traumas génèrent de façon épigénétique des dommages durables dans le système limbique et le HPA (axe hypothalamique pituitaire surrénalien), des déficits structurels qui sont réactivés à l’adolescence, une période de remodelage substantiel des circuits corticaux et limbiques. » Beebe et Lachmann (toujours cités dans cet article d’introduction de l’IMHJ) ont montré, en étudiant des enfants de quatre mois, que les garçons sont sur représentés parmi les enfants développant un attachement désorganisé. Ce mode d’attachement amène à « de nombreuses formes de conflits intrapersonnels et interpersonnels, à des discordances ou contradictions intermodales, conduisant à de la confusion et des incohérences, avec des risques de détresse et d’incohérence émotionnelle, à la fois dans la représentation de soi et dans les relations aux autres ».
Il est possible aussi qu’en raison de ce développement plus lent, les garçons manifestent une plus grande vulnérabilité à la dépression maternelle que les filles.
*Site d’information crée et animé pendant 4 ans par Gaëlle Guernalec Levy, co-fondatrice de PAPOTO
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