Les effets des différentes pratiques parentales sur l’obéissance de l’enfant

Dans les actions de soutien à la parentalité ce sont évidemment de forts sujets d’intérêt et de préoccupation des parents : l’obéissance des enfants, l’autorité, la discipline. Dans la recherche on parle plutôt de « comportements conformes » des enfants, du respect des règles. Voici en tous cas une intéressante meta analyse* incluant 19 études différentes, publiée en 2018 dans Plos One par des chercheurs de plusieurs universités (Oxford, Amsterdam, Glasgow). Ces scientifiques se sont demandé quels étaient les comportements parentaux spécifiques qui permettaient d’augmenter chez l’enfant le respect des consignes et de diminuer la désobéissance. Ils ont passé en revue les études qui avaient pour objectif principal d’analyser les effets sur le comportement de l’enfant des techniques utilisées par les parents. Quatre pratiques ont été étudiées : les félicitations (renforcement positif), les réprimandes verbales, le « temps de pause » (time out) ou mise à l’écart (l’enfant est extrait de son activité et des interactions et est mis à l’écart dans la même pièce ou une autre pièce), l’ignorance (le fait d’ignorer totalement l’enfant pendant quelques minutes lorsqu’il désobéit).

Peu d’effets du renforcement positif

En introduction, les auteurs rappellent que les comportements d’opposition des enfants et de non respect des règles sont, dans une certaine mesure, un signe de bon développement, d’affirmation de soi, de recherche d’autonomie. Mais certains niveaux de résistance témoignent de difficultés émotionnelles ou comportementales. Ils posent également que la recherche a montré que la chaleur parentale (la sensibilité, l’attention accordée à l’enfant, l’expression de l’affection) ainsi que le contrôle du comportement de l’enfant par différentes techniques (renforcement positif, réprimandes, time-out ou mise à l’écart, ignorance…) sont deux bons prédicteurs de l’observance des règles par l’enfant. Cependant, pointent les auteurs, on ne sait pas exactement parmi tous ces éléments ceux qui ont le plus d’impact sur la capacité de l’enfant à respecter les consignes. D’où leur objectif, à travers cette méta analyse, d’essayer de distinguer les effets précis de chaque technique disciplinaire.

Résultats : le recours au time out (la mise à l’écart) et à l’ignorance ont les effets les plus marqués sur le comportement de l’enfant, quel que soit le design des études prises en compte. Réprimander l’enfant présente quelques effets également, mais seulement selon certains protocoles. Le fait de féliciter l’enfant lorsqu’il se comporte correctement (renforcement positif) n’a en revanche que peu d’impact sur le comportement de l’enfant. Ce dernier résultat peut sembler étonnant dans la mesure où le renforcement positif constitue une technique récurrente de nombreux programmes d’entraînement aux habiletés parentales (nous l’évoquons nous-mêmes dans notre vidéo sur les techniques de discipline).

La privation d’interactions comme inhibiteur de la désobéissance

Comment l’équipe de chercheurs interprètent-ils ces résultats ? Ils posent d’abord que ces données sont conformes au modèle du processus coercitif de Patterson selon lequel prévenir le renforcement de la désobéissance est le meilleur moyen d’augmenter l’obéissance (les réprimandes et le fait d’ignorer l’enfant lorsqu’il désobéit se révèle plus efficace que le renforcement positif comme les félicitations lorsqu’il agit de façon conforme). Pour les auteurs le time out et l’ignorance ont un point commun : les deux techniques privent momentanément l’enfant d’une interaction avec son parent. Il se pourrait qu’elles activent chez lui un besoin basique d’appartenance et la volonté de se reconnecter à son parent (et donc de cesser le comportement négatif et de ne pas le reproduire).

D’autres auteurs ont également posé que « le mauvais est plus fort que le bon » et qu’un comportement parental déplaisant pour l’enfant a plus d’effet qu’un comportement parental agréable.  Les données de la littérature montrent que les conséquences négatives ont des effets à court terme sur le comportement de l’enfant alors que les effets des félicitations et de la bienveillance sur l’obéissance de l’enfant sont bien moins consistants. Ils rappellent que dans la littérature, le recours aux félicitations et aux encouragements est controversé : parfois considéré comme facteur de protection des troubles des conduites, parfois perçu comme un frein à la motivation intrinsèque de l’enfant.

Chez PAPOTO nous avons tendance à proposer aux parents un système à deux faces : le renforcement positif d’un côté dès que l’enfant se comporte de façon attendue (avec une explicitation répétée des règles et un modelage du comportement) et le recours au time out et à l’ignorance dans les moments de désobéissance. A noter que dans cette méta analyse les auteurs n’ont pas étudié les effets des récompenses et retraits de privilège.

Un possible effet de synergie du renforcement positif et des autres techniques (en somme, jouer sur les deux tableaux)

Les auteurs notent à juste titre que les études sélectionnées ne prennent en compte que des effets à court terme. Or, certaines techniques pourraient avoir des effets à plus long terme, sur d’autres aspects du développement ou de la relation. Certaines attitudes  parentales peuvent n’avoir aucun impact sur l’obéissance à court terme mais peuvent renforcer la relation parent-enfant à long terme. A contrario, certaines techniques peuvent sembler très efficaces à très court terme pour faire obéir l’enfant et se révéler totalement contre productives voire très délétères à long terme. C’est le cas des châtiments corporels.

Une autre hypothèse mise en avant par les auteurs, celle de l’effet de synergie : la combinaison de plusieurs comportements parentaux augmente les effets de chaque attitude.  Ainsi, renforcer la chaleur et la bienveillance parentale lorsque l’enfant obéit peut augmenter les conséquences négatives, pour l’enfant, des comportements parentaux déplaisants (réprimandes, time out, ignorance), parce que ces effets négatifs seront fortement associés chez l’enfant à la perte du renforcement positif, en plus de l’isolement momentané ou de l’arrêt de l’activité. En d’autres termes, l’enfant a beaucoup plus à perdre lorsqu’il désobéit à un parent par ailleurs chaleureux et bienveillant le reste du temps.

Notre conclusion : cette hypothèse confirmerait l’intérêt à jouer sur les deux tableaux et à utiliser à la fois le renforcement positif et les techniques de  prévention du renforcement négatif (temps de pause et ignorance).

*Parenting behaviors that shape child compliance: A multilevel meta-analysis Patty Leijten, Frances Gardner, G. J. Melendez-Torres, Wendy Knerr, Geertjan Overbeek, Octobre 2018, Plos One

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