Pour tout savoir sur l’art de la conversation avec les bébés

Chez PAPOTO nous connaissons bien Florent de Bodman et l’association qu’il a fondée, « 1001 Mots », pour aider les parents à accompagner le développement langagier de leur enfant. C’est avec un réel plaisir et sans aucune hésitation que nous relayons le livre qu’il vient de publier, « A portée de mots, parler avec son bébé peut changer sa vie » aux éditions Autrement. Ceux qui connaissent bien le sujet trouveront avec cet ouvrage une efficace synthèse de la recherche et du cadre théorique qui constituent l’arrière-plan de l’accompagnement à la parentalité dans une perspective de prévention précoce. Les autres se familiariseront avec des expérimentations passionnantes, des enjeux cruciaux et des questionnements éthiques complexes.

De formidables compétences chez les tout-petits, mais une fenêtre de tir restreinte

Le livre constitue une utile vulgarisation de l’état des connaissances sur le développement de l’enfant, notamment cognitif et langagier. L’auteur rappelle ainsi que le tout petit présente « des capacités innées spectaculaires pour apprendre à parler mais qui décroissent très vite ». La baisse de la plasticité du cerveau survient vers 2 ou 3 ans, il faut donc éveiller très tôt le langage des tout petits. Selon Stanislas Dehaene, cité plusieurs fois, « si nous manquons de stimulation précoce dans un champ particulier alors nous risquons de perdre à jamais notre fluidité mentale dans ce domaine ».

Or, face à cet éveil précoce du langage, les enfants ne sont pas tous égaux. Florent de Bodman met ainsi en exergue au début de son livre les grandes études qui ont permis de mesurer l’apparition précoce de forts décalages langagiers chez les enfants selon le statut socio-économique de leurs familles (L’étude Hart et Risley évidemment mais également celles qui ont suivi dont l’étude de Denver en 2017 avec l’utilisation du LENA). On pourrait aussi renvoyer le lecteur à la formidable note de blog du chercheur Daniel T.Willingham publiée en 2018. Florent de Bodman l’assure : le langage est un apprentissage naturel et spontané mais il y a des attitudes qui le favorisent, et ces attitudes ne constituent pas une évidence pour tous les parents.

Réduire les inégalités de développement langagier

« De ces rencontres et des études scientifiques évoquées j’ai tiré une conviction forte, écrit-il. Le problème des familles populaires n’a rien à voir avec un manque d’attention portée à leurs enfants : c’est un problème de ressources. (…) Ces parents sont profondément attentifs à leur enfant et désirent fortement lui donner une vie meilleure. Pour beaucoup d’entre eux, ce désir est une puissante motivation face aux difficultés du quotidien. Mais les parents des milieux populaires manquent généralement de certaines ressources : beaucoup manquent d’argent, de temps, mais aussi et souvent de certaines informations sur ce qui serait utile à leurs enfants ; ils manquent également de réponses à leurs questions, et d’encouragements aux différentes étapes de l’éducation de leur enfant.»

L’ouvrage se veut aussi résolument pratique et concret, déclinant ces « attitudes » dont on sait qu’elles favorisent l’éveil langagier de l’enfant (Parler à l’enfant dès les premiers jours, poser des questions à l’enfant, pas que des injonctions, le tour de parole, rebondir sur le pointage du doigt, reformuler, l’importance des chansons…). Un long développement est consacré à la lecture partagée avec le tout petit.

Plaidoyer pour un accompagnement éthique et efficace

Nous rejoignons Florent sur sa conception de la prévention des écrans : éviter de poser des interdictions irréalistes et culpabilisantes pour les parents et privilégier l’incitation aux interactions et aux jeux. Enfin, la partie consacrée à la posture dans l’accompagnement est très éclairante (et là encore très similaire à notre positionnement). Pour l’auteur, l’objectif devrait être de « proposer activement sans rien imposer ».  Il rappelle qu’il est plus difficile (et pourtant indispensable) de « faire avec, d’accompagner plutôt que de faire à la place de ou de contraindre ». Tous les professionnels intervenants dans le champ de la parentalité, notamment auprès de familles vulnérables, le savent : le sujet, très sensible, touche à l’intime, renvoie chacun à sa propre enfance, et nécessite une réflexion en profondeur sur la posture. Il faut travailler avec l’ambivalence des parents, très demandeurs de conseils mais pas forcément prêts à modifier leurs pratiques, soumis à des injonctions multiples et épuisantes. Pour Florent de Bodman, il reste encore à inventer un modèle exigeant qui permettrait d’accompagner au mieux ces familles, de façon respectueuse pour les parents et efficace pour les enfants. Nous faisons nôtre cette conclusion.

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