Soutien à la parentalité des familles d’accueil ou adoptantes : des effets intéressants

Une méta analyse publiée en 2019* par une équipe de l’Université de Leiden (Pays-Bas) a analysé les effets des interventions de soutien parental auprès de familles d’accueil en protection de l’enfance et de parents adoptifs. Critères retenus du côté des adultes : sensibilité parentale, discipline dysfonctionnelle, le savoir et les attitudes, le stress. Du côté des enfants : sécurité de l’attachement, problème de comportement, taux diurne de cortisol (ce taux permet de mesurer le niveau de stress chez l’enfant). Dernier élément évalué : les interruptions de placement.

L’attachement comme arrière plan théorique

Les auteurs rappellent en premier lieu pourquoi prendre soin d’enfants placés ou adoptés présente un réel défi. En raison des expériences délétères vécues avant le placement (abus ou négligences), ces enfants peuvent avoir présenter d’importantes difficultés à faire confiance aux adultes, à nouer un lien d’attachement sécurisé et ils peuvent développer des troubles persistants du comportement et de la régulation émotionnelle. Plusieurs programmes ont été mis en place pour aider les adultes donneurs de soin à faire face à ces difficultés. Ces programmes visent la construction d’une parentalité (on parle de parentalité y compris pour les familles d’accueil) ajustée, soutenante, qui va permettre à l’enfant de nouer un lien d’attachement sécurisé. Le cadre théorique est en effet qu’un lien d’attachement sécurisé favorise un développement social optimal et de bonnes capacités de résiliences, alors qu’un lien d‘attachement insécurisé voire désorganisé est associé à de futurs troubles du comportement et à des psychopathologies. On sait que les enfants placés et les enfants adoptés sont plus à risque de développer un attachement insécure ou désorganisé, des troubles du comportement et des difficultés émotionnelles. Ces risques sont majorés par la multiplication des placements et des ruptures. Plusieurs études ont montré que chez les enfants victimes de maltraitances, il existe un stress chronique, qui se manifeste biologiquement par une production atypique de cortisol durant la journée, et concrètement par des troubles du comportements internalisés (dépression, anxiété, syndrome de stress post traumatique) ou externalisés (trouble des conduites, agressivité, non respect des règles). Les études montrent également un fort stress chez les adultes qui s’occupent de ces enfants, stress qui vient impacter leurs habiletés parentales, ce qui vient alimenter en retour le stress des enfants.

Des effets significatifs sur la sensibilité du care giver mais pas sur l’attachement chez l’enfant

Les interventions de soutien visent en priorité à augmenter la sensibilité des adultes (leur capacité à répondre aux besoins des enfants de façon ajustée et avec chaleur) mais aussi à favoriser une discipline parentale consistante, basée sur le renforcement positif. Ces dispositifs entendent aussi améliorer la compréhension que les familles peuvent avoir des problèmes de comportement et de stress des enfants. Ils comprennent donc un volet de psycho éducation afin d’expliciter auprès des familles d’accueil ou adoptives l’impact des expériences négatives précoces sur l’attachement, le comportement et la régulation du stress.

Résultats sur la sensibilité parentale : les familles qui participent à un programme de soutien présentent des progrès considérables après l’intervention. Les dispositifs proposant un soutien à la fois individuel et en groupe se révèlent les plus efficaces. Plus le nombre de sessions est élevé, plus les enfants concernés sont âgés et plus les effets sont marqués.

Sur la discipline: là aussi plus évaluations mettent en exergue une nette amélioration des pratiques disciplinaires chez les familles après l’intervention.

Augmentation des connaissances et modification de l’attitude: cet objectif semble atteint puisque pour les études incluant ce critère d’évaluation, les participants au programme semblent bien avoir augmenté leurs connaissances concernant les mécanismes à l’œuvre dans le développement et les troubles des enfants et avoir modifié leur attitude à leur égard.

Un effet est perçu sur le stress parental: 18 études ont pris en compte ce critère. Les programmes de soutien semblent bien diminuer le stress éprouvé par les familles d’accueil ou adoptives.

Du côté des enfants il semble que les interventions ne permettent pas une amélioration significative de l’attachement chez l’enfant et elles ont peu d’effet sur le taux de cortisol diurne. En revanche, les enfants accueillis par des familles participantes à ces dispositifs de soutien présentent de réels progrès sur le plan du comportement. Concernant les ruptures de placement, elles n’ont pas semblé moins importantes pour les enfants du groupe intervention.

Effets différenciés sur les familles d’accueil et adoptantes

Concernant ces résultats obtenus auprès des adultes, les auteurs apportent quelques précisions. Les familles d’accueil présentent une amélioration plus importante que les familles adoptives, notamment sur le plan de la sensibilité parentale. Ce résultat s’explique notamment par le fait que les familles adoptives présentent dès le départ une meilleure sensibilité que les familles d’accueil et que la marge de progression les concernant est donc plus réduite. Les auteurs considèrent que les familles d’accueil tireront certainement plus de bénéfice des actions parce qu’elles ne sont pas très éloignées sur le plan socio économique des familles biologiques des enfants alors que les familles adoptives viennent de milieux sociaux plus aisés. Autre éclairage : les placements sont en général temporaires (ou bien l’incertitude plane sur l’échéance) et les familles d’accueil peuvent inconsciemment s’empêcher de s’investir auprès de l’enfant. Alors que l’engagement des familles adoptives est plus massif et immédiat.

Les effets des programmes sont aussi majorés lorsque l’enfant concerné présente des troubles sévères du comportement. Peut-être parce que les adultes en charge de ces enfants ont plus à gagner à s’investir dans un programme de soutien. Concernant la sensibilité parentale, le soutien individuel par un professionnel n’a d’impact que s’il vient en complément de sessions de groupe.

Nuancer les résultats décevants du côté des enfants

Concernant les résultats obtenus auprès des enfants, cette méta analyse ne met en évidence des effets que sur les problèmes de comportement (mais pas sur l’attachement ni sur le niveau de stress des enfants). Néanmoins les auteurs souhaitent nuancer ces résultats potentiellement décevants. Les améliorations attendues chez les enfants dépendent des effets du programme sur les adultes qui s’occupent d’eux. Or, pour que ces effets lié à la relation et aux interactions opèrent, il faut du temps. L’intervalle moyen de temps entre les pré tests et post tests est ici, dans les différentes études recensées, de quatre mois.

Les auteurs notent également un élément très encourageant. L’effet qui ressort le plus dans leur meta analyse est l’amélioration significative de la sensibilité parentale. Or, des études précédentes ont montré qu’une telle amélioration pouvait bien avoir des effets sur l’attachement et le stress des enfants. Expérimenter des relations avec de nouveaux donneurs de soins plus sensibles permet aux enfants d’ajuster leur « modèle interne opérant » (ndlr selon la théorie de l’attachement, il s’agit de l’intériorisation par l’enfant de ses premières expériences relationnelles avec ses parents, intériorisation qui va modeler ses attentes envers ses proches). Comme le formulent les auteurs : « Une parentalité plus sensible peut aider les enfants placés ou adoptés à ajuster leurs attentes quant à la façon dont les adultes autour d’eux vont leur répondre.» Mais évidemment, comme il s’agit d’effets indirects, un tel processus prend du temps.

Concernant l’absence d’effet sur les ruptures de placement, les auteurs font la même remarque relative à la temporalité. Les études prises en comptes ne suivent pas les enfants dans la durée. Pour pouvoir évaluer un tel effet il faudrait s’appuyer sur des études longitudinales.

*A meta-analytic review of parenting interventions in foster care and adoption, Cambridge University Press:  01 August 2019, Nikita K. Schoemaker, Wilma G. M. Wentholt, Anouk Goemans, Harriet J. Vermeer, Femmie Juffer and Lenneke R. A. Alink

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