Un rapport anglais analyse l’impact du confinement sur l’aide aux familles

La Early intervention Foundation, organisme anglais qui effectue un travail de recherche et de synthèse des données scientifiques dans le domaine de la prévention précoce, vient de publier un rapport intitulé « Covid 19 et intervention précoce : comprendre les impacts, préparer la reprise »*.

Cette enquête, qui se base sur 32 entretiens avec des responsables de services de soutien aux familles (équivalents chez nous des responsables des services enfance et famille des villes et départements), évoque une « lame de fond sous la surface ». La surface étant constituée ici par les effets les plus visibles et immédiats du coronavirus et du confinement.

Un repérage des abus et négligences rendu plus complexe

Les auteurs, Hannah Wilson et Stephanie Waddell, parlent d’un double défi : non seulement davantage de familles risquent d’avoir besoin d’aide, notamment des familles qui jusqu’à présent n’avaient pas eu à solliciter du soutien ou ne répondaient pas aux critères permettant d’accéder à un suivi spécialisé, mais en plus les difficultés des familles déjà fragiles risquent de s’être accentuées en raison de l’allègement du suivi, voire de la suspension des aides en face-à-face. Les abus, négligences ou violences domestiques sont par exemple beaucoup plus difficiles à détecter sans visite à domicile ou entretien de vive voix. « Les conséquences du confinement et de la disruption qu’il a engendrée, écrivent les deux femmes, ne se limiteront pas au présent ou à un futur proche, mais vont émerger au fur et à mesure des années sur un mode complexe et difficilement prévisible ».

L’un des axes de travail de cette recherche portait sur l’adressage des familles identifiées comme vulnérables vers un service de soutien. Certains des responsables anglais interrogés ont constaté une augmentation des signalements et en ont conclu que les nouvelles modalités à distance de leur dispositif fonctionnait bien. D’autres ont en revanche constaté une baisse des signalements alors qu’ils pouvaient s’attendre par exemple à une augmentation des phénomènes de violence domestique. Pour certains responsables cette baisse s’explique en partie par la fermeture des services d’accès universel qui constituent souvent la première étape du repérage (notamment les écoles). Ils estiment aussi que les mécanismes de demande d’aide spontanée de la part des familles ont certainement été très limités et que celles-ci se sont davantage manifestées pour des besoins de première nécessité que pour un soutien sur le plan du bien-être psychique.

Pour les familles déjà identifiées par les différents services et déjà soutenues, la distance et l’absence d’entrevues en réel ont pu constituer un frein à l’identification d’abus ou de négligences. Certains services se sont également inquiétés du soutien qui a pu manquer aux femmes enceintes ou venant d’accoucher.

Soutien à distance et recours aux réseaux sociaux : des difficultés et de réels bénéfices

 

Les auteurs relèvent néanmoins quelques bonnes nouvelles : les personnes interrogées dans le cadre de ce rapport ont rapporté « des expériences innovantes, ont déployé des capacités d’adaptation, ont relaté des nouveaux partenariats et collaborations, la fin d’organisations en silos, de vieilles inerties enterrées ». Pour les auteurs, « il est vital que les leçons de cette flambée de nouvelles pratiques soient apprises et retenues et que ces précieux gains -tel que le travail rapproché entre les écoles et les services de soutien précoce- soient conservés dans le futur ».

Parmi les innovations recensées dans ce rapport, certains services sur un même territoire se sont mis à travailler ensemble pour se mettre d’accord sur une liste de familles considérées comme particulièrement à risque, sur une grille d’évaluation du niveau de difficultés rencontrées et du type de soutien à envisager, autant d’outils utilisés uniquement de façon virtuelle. Ce travail conjoint entre les écoles, les services de petite enfance et les services de protection de l’enfance, qui auparavant pouvait prendre des mois voire des années pour être effectif, a certainement constitué le grand bénéfice de cette période.

Certaines instances proposaient déjà une version en ligne de leur programme de soutien mais la plupart ont dû innover dans l’urgence. Pour tous l’un des défis est d’avoir dû basculer d’une guidance répondant à des objectifs sur le long terme à des impératifs de soutien plus concrets et immédiats imposés par la Covid 19. Quasiment tous les responsables ont affirmé avoir adopté les médias sociaux pour délivrer un soutien qu’ils proposaient usuellement en présentiel au sein de leurs centres. Certains ont développé de nouvelles applications de soutien parental. D’autres services ont centralisé leurs informations sur un même site pour une meilleure diffusion. Certains responsables ont découvert de nouvelles potentialités pour la communication avec les familles avec cette utilisation inédite des réseaux sociaux. Les informations transmises aux familles par ces réseaux ont semblé être bien acceptées par les parents dont certains ont visiblement très bien réagi à ces changements, et les responsables ont manifesté un vif désir d’évaluation de ce nouveau mode de délivrance. Nous avons effectué les mêmes constats avec notre expérimentation de soutien via WhatsApp à des familles de La Courneuve et manifesté le même souhait de pouvoir à terme évalué ce mode de communication.

Certains responsables ont considéré que ce basculement vers une offre en ligne leur permettait de toucher davantage de familles et notamment de suppléer celles qui étaient en liste d’attente. D’autres ont en revanche considéré que l’aide aux familles présentant des problématiques complexes a été amoindrie par ce passage au digital notamment parce que l’accès des familles à l’offre digitale pouvait être limité en raison d’un manque de matériel adapté ou d’une bonne connexion. Par ailleurs, les parents allophones pouvaient se sentir moins à l’aise avec une aide dématérialisée et des échanges par téléphone. Il a aussi pu être plus difficile d’établir un lien de confiance ou des interactions positives en ligne avec des familles nouvellement identifiées. Cette enquête met donc en exergue à la fois des difficultés spécifiques liées à la fermeture des locaux et à la délivrance à distance du soutien habituellement reçu mais aussi la découverte de potentialités liées à l’utilisation des réseaux sociaux.

* »Covid-19 and early intervention: Understanding the impact, preparing for recovery« , Hannah Wilson et Stephanie Waddell, EIF, Juin 2020

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